II y a, de façon peut-être inattendue quand nous parlons d’Intelligence Artificielle, qui semble être au départ un sujet plutôt technologique, une espèce de retour à l’humain, de retour aux fondamentaux de la condition humaine, provoqué par la prise de conscience de l’impact sur l’individu des nouveaux modèles de société.
Tout d‘abord, ce retour à l’humain intervient, parce que la société horizontale que nous venons d‘évoquer, et qui va se renforcer avec l’Intelligence Artificielle, encourage, au sein des organisations et des entreprises, le passage, je vais le dire comme cela, de relations d’ordre, c’est-à-dire de relations verticales, hiérarchiques, pyramidales, fondées sur des rapports de forces, à des relations d’équivalence, c‘est-à-dire des relations, fluides, ouvertes, symétriques, fondées sur des rapports de flux, de collaboration et de partage, ou l‘humain est le point d’attention.
Par ailleurs, cette société horizontale dont nous parlons, place de plus en plus en son centre deux valeurs fondamentales, deux valeurs cardinales : la bienveillance et la fraternité, vous le savez, deux termes encore inhabituels dans la culture des entreprises.
Ces deux valeurs sont peut-être déjà le choix du cœur pour certains, mais elles seront, à n’en pas douter, le choix de la raison pour le plus grand nombre, car ces deux valeurs qui font l’objet de réflexions, de la part de nombreux philosophes, d’économistes et de chercheurs en toutes disciplines, sont de plus en plus considérées comme des repères concrets et des principes d’action, qui aideront probablement l’humanité à construire le monde de demain.
On observe aussi un retour vers l‘humain, car très concrètement ces machines que nous avons rapidement décrites nous ressemblent de plus en plus (leur intelligence les rend empathiques et nous touche), obligeant les êtres humains, en retour, par contrecoup, à se demander, ce qui est, ou restera spécifique en eux, au moins dans un futur proche.
Dans les temps à venir, les enjeux et les défis majeurs de notre société se cristalliseront très certainement autour des idées d’humanité et d’humanisme.
Qu’est-ce vraiment que l’humain ? Que restera-t-il vraiment de l‘idée d’humanité dans quelques années ou décennies ?
Nous arrivons là sur des interrogations que l’on ne pensait pas rencontrer il y a quelques mois en débutant cette présentation sur l’Intelligence Artificielle, qui sont les questions liées à l’idée que nous nous faisons tous ensemble de notre condition humaine, et sans doute est-il utile ou nous faut-t-il remonter aux sources de notre culture, pour trouver des repères par rapport à nos questionnements présents et à venir.
Car au fond, si nous disons, comme les anciens Grecs, comme Protagoras, ce philosophe pré-socratique dont vous vous souvenez sans doute, qui a précédé Socrate de quelques années, et qui marque le point de départ de l’idée même d’humanisme, si nous disons que l’Homme est la mesure de toute chose, alors, comment faire, à la lumière des bouleversements que nous venons d’esquisser, pour que l’humain reste présent dans l’Homme ? Et pour que l’Homme reste la mesure de sa propre évolution ?
Voilà, c’est probablement en ces termes qu‘il va falloir penser le monde de demain, pour relever les défis qui se présentent à toutes les échelles -au niveau planétaire, de la société prise dans son ensemble, dans chaque région du monde, dans chaque entreprise, au niveau de chaque individu-, et pour tenter de cheminer tous ensemble, en tant qu’humanité, au cours des prochaines années et décennies.
Janvier 2016