Peur, adaptation et inclusion

Il semble assez naturel et légitime d’éprouver de l’appréhension lorsqu’on se projette dans le futur en abordant la question de l’intelligence artificielle et de ses conséquences.

Mais dans le même temps, nous le savons, la peur est un sentiment complexe. 

Essayons d’illustrer simplement cette idée en prenant l’exemple de la Google Car, la voiture autonome fabriquée par Google. II y a deux façons de voir les choses. On pourra ensuite évidemment transposer cet exemple de multiples manières, dans de nombreux domaines de vie ou de nombreuses activités.

Une première façon de voir les choses est d’imaginer que vous ayez dans votre entourage quelqu’un, un ami, un membre de votre famille, qui ait l’idée par exemple de conseiller à ses propres enfants de devenir chauffeur de taxi, ou moniteur d’auto-école, ou inspecteur du permis de conduire … Vous sentez bien que ce n’est pas réellement une très bonne idée ! Tous ces métiers vont totalement disparaître d’ici quelques années. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire que toutes ces personnes qui se sont investies dans ces métiers depuis plusieurs années, sur le plan personnel, sur le plan familial, sur le plan financier, vont évidemment rencontrer de réelles, voire de graves difficultés, et au-delà des difficultés, vous pouvez bien imaginer, les souffrances que cela pourra représenter pour certaines d’entre elles. Est-ce que ces personnes pourront s’adapter ? Auront-elles l’opportunité de trouver un autre emploi ?

L’autre façon de regarder les choses est d’imaginer qu’on se retrouve, dans une trentaine d’années, pour ouvrir ensemble un livre d’histoire. Nous y lirons probablement que, grâce aux voitures autonomes, l’humanité aura réalisé un grand progrès et mis fin au grand carnage que nous observons chaque année sur les routes. Puisque vous le savez, chaque année, si on prend les statistiques mondiales, on tue à travers le monde plus d’un million de personnes et on en blesse très grièvement plus de cent millions. Pourquoi, et bien tout simplement, parce que les voitures autonomes, vous l’imaginez bien, elles ne sont jamais fatiguées, elles ne boivent pas d’alcool, et je vais le dire comme cela, elles ne sont pas comme ces messieurs à faire preuve quelquefois d’un excès de testostérone !

Donc, vous le voyez, nous sommes face à un exemple qui montre bien toutes les ambivalences à venir, qui montre aussi que le monde de demain sera chaotique, et que tous ces effets contraires ne vont pas se compenser comme par magie, pour dessiner une espèce de voie moyenne, tranquille et rassurante.

Nous aurons à la fois des choses qui seront sans doute sources de désarroi à certains endroits, il faut se préparer à cette idée pour ne pas subir, et anticiper, autant qu’on peut le faire, à titre individuel, à titre professionnel, ou en collectif, au niveau mondial, à toutes les échelles en réalité. Et en même temps évidemment, il y a des perspectives enthousiasmantes, des choses absolument extraordinaires qui se profilent et que l’on qualifiera probablement de progrès. Nous avons évoqué la médecine, et il y a bien d’autres sujets. Nous avons donc aussi le droit de rêver et d’être extrêmement optimistes par rapport à de nombreux aspects qui s’ouvrent à nous.

Donc le bouleversement est là, nous sommes, pour prendre une image, comme dans une grande lessiveuse.

En même temps, ce n’est pas nouveau. L’humanité a toujours connu tout au long de son histoire des bouleversements d’une ampleur considérable. Mais pour ce qui nous concerne, nous vivons dans l’instant présent, et nous devons penser et agir ici et maintenant.

Et ce qui est différent sans doute par rapport à de nombreux bouleversements rencontrés par l’Homme tout au long de son histoire, c’est cette idée d’accélération. Tout va aller beaucoup plus vite qu’avant, en un temps beaucoup plus court, plus dense, plus contracté, que lors des précédentes grandes mutations ou métamorphoses de l’humanité dans les siècles ou les décennies passés. Tout ce qu’on vous raconte, commencera à devenir très visible dans nos vies à un horizon de cinq à quinze ans.

Donc, cela veut dire que le temps disponible pour nous adapter sera beaucoup plus court.

Et cela pose donc une question, que peut-être vous vous posez et qui est de plus en plus souvent évoquée dans la presse écrite ou dans certaines émissions de radio ou de télévision, qui est la question de l’inclusion.

Cette question, je l’énonce de manière un peu symbolique, car évidemment je n’ai pas de réponse précise, cette question c’est : Comment faire, par rapport à toutes ces évolutions que nous évoquons, pour ne pas laisser la moitié des êtres humains sur le bord de la route, et pour ne pas laisser la moitié des collaborateurs sur le bord de l’entreprise ?

Tel est le défi que nous devrons relever, dans toutes les entreprises, partout dans le monde, à toutes les échelles de la société.

Janvier 2016